Patrick Noël, Université de Saint-Boniface

La thématique du congrès offre une occasion de s’interroger sur la place de l’événement dans le discours que les historiens tiennent sur leur savoir. En cela, cette communication participe à un programme plus large en théorie de l’histoire cherchant à élucider la nature de l’histoire comme discipline en tenant compte de l’input des historiens que les philosophes de l’histoire ont longtemps ignoré : l’épistémologie naturalisée de l’histoire. Lorsque les historiens prennent parole non pas sur le passé, mais sur le savoir disciplinaire en fonction duquel ils produisent une connaissance empirique, est-ce que la question de l’événement est abordée? Comment et pourquoi les historiens et les historiennes traitent-ils de cette question lorsqu’ils disent ce qu’ils font? Cette communication ne se veut pas un exercice d’historiographie analysant la place de l’événement dans les études empiriques historiennes ni une spéculation abstraite sur l’événement, mais une enquête sur l’événement comme un enjeu des représentations que les historiens et les historiennes se font d’eux-mêmes et de leur savoir disciplinaire, à partir du corpus documentaire des écrits réflexifs parus dans la Revue d’histoire de l’Amérique française entre 1947 et aujourd’hui. S’arrêter sur la question de l’événement permet notamment aux historiens de spécifier leur identité disciplinaire par rapport aux (autres) sciences sociales, de se pencher sur l’équilibre entre les structures sociales et l’agencivité individuelle, de s’interroger sur la place du récit et de la temporalité et d’examiner la tension entre le nécessaire et le contingent. Véritable enjeu-carrefour, l’événement est un prisme essentiel pour comprendre le rapport discursif que les historiens entretiennent avec leur «métier».